Vous êtes ici : AccueilRéparation médicale : les expériences internationales

PUBLICATIONS À LA UNE

Bulletin d'information

  • Réduire
  • Agrandir

Réparation médicale : les expériences internationales

Les expériences de réparations dans le monde incluent souvent la question du besoin d’accès des victimes aux soins physiques ou mentaux. Car souvent les victimes et leurs familles sont confrontées à des problèmes de santé résultant directement ou indirectement des violations.

En même temps, l’accès aux soins médicaux est un service que l’Etat devrait garantir à tous les citoyens. Le pacte international des droits économiques et sociaux stipule dans son article 12 :

1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.

2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer: (…)

d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.

Plusieurs expériences internationales de justice transitionnelle ont adopté la couverture médicale en tant que mécanisme de réparation : le Pérou, Chile, Timor leste, Irlande, Bosnie- Herzégovine. Cependant L’infrastructure du système de santé des pays d’un côté et la capacité d’adaptation de l’Etat aux besoins spécifiques de victimes font que ces expériences différent, ainsi plusieurs éléments interviennent dans la réflexion à la réparation sanitaire et à son déploiement :

1- L’analyse des besoins des victimes en matière de programmes de santé : avant tout programme de réparations sanitaire et afin d’avoir une idée sur le nombre des victimes et leurs état de santé et leurs localités, il est nécessaire d’élaborer une étude;

2- Les subventions : trouver les fonds de subventions, car même dans le cas de meilleurs volontés, les subventions font défaut;

3- Le système de couverture est très compliqué et pas facile à comprendre par les victimes;

4- Atteindre les populations des victimes dans les régions éloignées et leurs faire connaître leurs droits et ce dont ils ont accès avec la couverture médicale;

5- Le manque d’indicateurs d’impacts des projets en faveur des victimes;

6- La réhabilitation de la confiance des victimes dans le gouvernement qui est souvent impliqué dans les violations graves dans les pays;

7- Des éléments importants doivent être mises en place dans les programmes de réparation sanitaire :

i. Les services rendus : qui s’en charge et comment ?

ii. L’information et le suivi : l’objectif est d’atteindre les populations éloignées
iii. La sensibilisation : afin d’éliminer les éléments de marginalisation qui peuvent survenir avec le bénéfice des programmes de réparation sanitaire

8- l’accès aux soins primaires;

9- l’importance d’accorder une attention particulière aux victimes dans toutes les politiques gouvernementales ;

10- il n’y a pas de solution unique adaptable partout : chaque pays doit penser son système en fonction de ses propres défis, moyens et politique de santé ;

11- prendre en considération l’écart entre les politiques des services sociaux et les réalités ;

12- L’évaluation des résultats : il est important de mettre en place un système de suivi e d’évaluation des résultats des programmes de réparation sanitaire, aussi de point de vue des victimes;

13- Il faut éviter de politiser la question de la réparation.

L’expérience péruvienne

La commission de vérité et réconciliation a recommandé un plan global de la réparation, qui a fait l’objet d’une loi. Ce plan incluait cinq dimensions de la réparation : l’aspect psycho-social du programme, l’approche participative dans la prise de décision, prendre en considération les besoins interculturels, la promotion de l’approche genre et de l’égalité, l’aspect inhérent symbolique de la réparation.

Le plan global de la réparation, s’articulait autour des axes suivant :

- la réparation symbolique : actes de réparation public (excuses..), la reconnaissance, les mémoriaux, les actes de réconciliation (fermer les lieux des violations par exemple);

- l’approche éducative de la réparation ou la réparation éducative : prise en charge des frais de scolarisation pour les victimes et ayant droits, permettre aux victimes de continuer leurs études universitaires, éducation des adultes…;

- Réhabilitation des droits des citoyens : revoir le statut juridique des personnes avec les mandats d'arrêt exceptionnels, supprimer des bases de données de la police et de la justice la liste des personnes innocentes qui ont été incriminées injustement, le droit aux papiers et documents personnels (Etat civils, passeport...);

- Réparation économique : une forme de compensation économique des victimes;

- Réparation communautaire ;

- Réparation sanitaire : le programme de réparation sanitaire inclut la formation de personnes qualifiées pour le suivi psychologique des victimes des violations des droits de l’Homme spécialement dans les régions indiennes et amazoniennes, les interventions communautaires :qui est implanté avec le plan de réparation communautaire permettant de faciliter l’accès aux services de santé, les interventions cliniques, la promotion et la prévention des effets physiques et psychiques du conflit armé sur les victimes et enfin le programme global d’accès à couverture médicale.

Le système de réparation sanitaire pensé par l’expérience péruvienne garantit l’accès des victimes à l’assurance maladie du pays prévue pour les pauvres, garantissant l’accès aux soins pour la santé physique et mentale. Cependant, l’accès à la santé mentale au Pérou était très limité au moment où la commission de vérité a formulé ses recommandations.

Ainsi, pour assurer les services disponibles, l’agence en charge de l’administration du service a mis en place son propre système d’identification des victimes pour éviter les délais de constitution des dossiers par le conseil de la réparation : conseil chargé de la mise en œuvre du programme de réparation global.
Même si des projets pilotes spécifiques aux victimes ont été mis en place, la couverture de ces projets restait très limitée et la réparation sanitaire a été critiquée pour ne pas avoir répondu aux besoins spécifiques des victimes. Aussi, il se trouvait que les victimes bénéficiaient déjà de l’assurance maladie publique parce qu’ils étaient pauvres.

Le Chili

Dans le domaine de la santé les actions « réparatrices » sont allées très loin. Les préjudices subis par les victimes et leurs familles ont été appréhendés globalement (séquelles physiques, mentales et psycho-sociales). Un « Programme de réparation et de soins de santé complets » (PRAIS) a été mis en place dès 1991. Il offre gratuitement à toute personne ayant vécu une situation traumatisante (détention, torture, exil) l’accès à une couverture médicale générale, à un bilan de santé, à un suivi psychologique individuel et familial et à des consultations de spécialistes… Depuis, des programmes de soins plus spécialisées - notamment psychiatriques et psychothérapique - ont été mis en place, dispensés par 11 équipes pluridisciplinaires réparties dans les différentes villes du Chili. Fin 1992, 5007 patients avaient bénéficié de ces programmes.

Timor-Leste

Le contexte du Timor-leste est particulier dans la mesure où le pays venait de sortir d’une période d’occupation, et les premières conditions pour n’importe quelle réparation sanitaire devaient se construire à partir de l’édifice d’un système de santé publique qui couvre tout le pays et inclus le milieu rural. La Commission d’accueil, de vérité et Réconciliation du Timor-Leste (CAVR) a implanté un programme de réparation d’intérim pour les cas urgents nécessitant une chirurgie ou des prothèses, ce programme qui a pris en charge le séjour médical des victimes en Indonésie. D’un autre côté, des sessions thérapeutiques ont été organisées par la CAVR et FOKUPERS (une organisation féminine), pour combler l’incapacité à mettre en place des réparations.

C’était une des stratégies adoptée par la commission pour assurer des actions en faveur des victimes en impliquant les ONG.
Les sessions thérapeutiques étaient sous forme de conte, chants ou exercices théâtrale, où les participants ont identifié des sujets importants tels quel : la santé, l’éducation, la justice, l’économie, le bien être, la paix et la sécurité et réconciliation. Ces sessions organisées en ateliers ont été écrites par la commission et analysées pour les intégrer dans les recommandations de la commission. Ces ateliers ont pu créer une ambiance harmonieuse où les participants discutent et débattent de leur avenir dont 50% étaient des femmes.

Au bilan de la CAVR, on compte l’indemnisation de 516 hommes et 196 femmes dont 322 hommes et 95 femmes bénéficiait des visites médicales par les ONG locales. 156 victimes ont participé à six ‘ sessions thérapeutiques’.

Avec l’évolution du dossier et le développement du pays, deux défis restent à surmonter : le besoin des services publics pour tous les citoyens y compris les victimes et une attention particulière à la situation ‘ spéciale’ des victimes. Il faudrait en même temps que l’encouragement des ONGs, penser à une réparation prise en charge par l’Etat et pensée selon les normes en vigueur.

L’Irlande

En Irlande, en 2004, c’est le bureau des services sociaux de l’Irlande du nord (NHSSB). ‘Trauma advisory Panel’ a pu avoir du financement du ‘Strategy implementation Fund’ pour un projet pilote sur trois site de la NHSSB.

Le projet avait pour objectif de designer un travailleur en santé mentale qui a pour mission d’évaluer et examiner les victimes qui souffrent de traumatisme à cause du conflit. Le concept des soins basics est basé sur l’évidence qu’une intervention précoce au niveau de la santé mentale réduirait le nombre de personnes qui pouvaient souffrir ultérieurement de sérieux traumatismes.

Durant le projet, les victimes présentant des cas de dépression étaient directement orientées vers des spécialistes, et n’avaient pas à s’inscrire sur de longues listes d’attentes. Chaque victime a pu bénéficier d’une moyenne de deux à quatre sessions. La première évaluation du projet a révélé des résultats très positifs démontrant que les services rendus avaient un grand impact sur l’amélioration de la qualité de vie des patients.

Haut de page