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la peine de mort dans la législation marocaine

La peine est un besoin sociétal que la société dans chaque environnement définit en fonction de ses besoins et en prenant en considération certaines données . Partant de cette perspective, la peine de mort a été liée à travers les siècles à l’idée de peine dans le cadre de la politique pénale existante. Cette peine ne suscitait pas de problèmes de jurisprudence ou de philosophie lorsque la pensée pénale s’intéressait à l’acte criminel, sauf que l’évolution de cette perspective consistant à accorder de l’intérêt à la personne du criminel, a fait en sorte que les idées s’orientent vers une humanisation et une atténuation de la peine ainsi que son utilisation comme moyen de réforme.

Face à cette évolution, la question de l’utilité de la peine de mort s’est orientée vers des courants de pensée qui se sont intéressés à la recherche et à l’analyse de la philosophie de la peine notamment lorsque la peine de mort a été liée à des dimensions psychologiques, sociales, civilisationnelles et religieuses…

Quelle attitude adopte le législateur marocain face à cette question ?

Caractéristiques générales de la peine de mort dans la législation marocaine

D’après le code pénal, le législateur marocain considère la peine de mort comme étant une peine et l’a placée au sommet de la hiérarchie. Malgré cette classification, il a essayé d’atténuer la situation en octroyant au tribunal la possibilité de faire profiter l’accusé de circonstances atténuantes, et appliquer une peine de prison à perpétuité ou une incarcération de 20 à 30 ans sauf existence d’un texte juridique stipulant le contraire, lorsqu’il s’avère que la peine de mort est une peine sévère en comparaison aux actes commis par l’accusé ou au degré de sa criminalité.

De même la législation a prévu des alternatives législatives autorisant le tribunal à substituer ou à atténuer la peine de mort suivant les circonstances. En effet, la peine de mort peut être substituée par une autre peine allant de 10 à 15 ans de prison dans le cas d’actes attribués à des mineurs.

Parallèlement à cette mesure, et dans le but de consolider les garanties procédurales accompagnant le verdict de peine de mort, l’instruction est devenue obligatoire dans les crimes punis par cette peine.

Des actes criminels punis par la peine de mort

Les actes criminels punis par la peine de mort dans la législation marocaine présents dans les différents lois pénales se répartissent entre l’ensemble du code pénal qui regroupe la majorité de ces crimes et qui se résument en catégories criminelles rassemblant essentiellement les crimes terroristes, les crimes affectant le droit à la vie et à l’intégrité physique des personnes, le recours aux moyens de torture, ou le fait de commettre des actes barbares pour accomplir un acte considéré comme étant un crime , la provocation d’incendie, la destruction en plus des crimes et des délits contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, ainsi que les crimes commis par les fonctionnaires contre l’ordre public...

Le deuxième ensemble concerne les crimes qui sont regroupés dans la loi réprimant les crimes contre la santé de la nation qui stipule : « seront punis de mort, ceux qui sciemment ont fabriqué ou détenu, en vue d’en faire commerce, distribué, mis en vente ou distribué des produits ou denrées destinées à l’alimentation humaine dangereuse pour la santé publique".

Enfin, l’ensemble des crimes mentionnés dans le code de justice militaire pour les crimes militaires.
L’exécution de la peine de mort dans la législation marocaine
Le législateur marocain a consacré à l’exécution de la peine de mort des dispositions particulières réparties entre le code de procédure pénale et le décret d’application de la loi organisant les institutions pénitentiaires. De manière générale on peut distinguer 2 étapes :

Etape antérieure à l’exécution de la peine de la mort

Vu la gravité de la peine de mort, le procureur général est tenu par la loi d’informer le Ministre de la justice, en sa qualité de responsable de la politique pénale, immédiatement après le prononcé du verdict de peine de mort car il s’agit d’une catégorie de condamnés que le décret d’application de la loi organisant des institutions pénitentiaires a doté d’un régime particulier. Les condamnés à la peine capitale peuvent être transférés, immédiatement après le prononcé du verdict à un établissement disposant d’un quartier aménagé pour cette catégorie de détenus. Ils sont soumis autant que possible, au régime de la détention individuelle et doivent faire l’objet d’une attention spéciale permettant d’étudier leur personnalité, de suivre leur état psychologique et de préserver leur équilibre de façon à empêcher toute tentative d’évasion, de suicide et d’atteinte à autrui. Ils peuvent être autorisés à effectuer certains travaux après avis du médecin et de l’assistant social. Les condamnés à la peine capitale peuvent recevoir la visite des membres de leurs familles, de leurs représentants légaux et de leurs alliés dans une salle réservée à cet effet. Il est interdit, dans tous les cas, de notifier la décision du rejet de la demande de grâce au condamné à cause de l’impact que cela pourrait avoir sur sa personne.

Etape postérieure à l’exécution de la peine de mort

Le législateur marocain a soumis l’exécution de la peine de mort à la décision de rejet de la demande de grâce. Dans le cas de la femme dont la grossesse a été prouvée, l’exécution de la peine a lieu 2 ans après l’accouchement. L’exécution de la peine capitale se fait secrètement sur décision du ministre de la justice, par balles et par l’autorité militaire au sein de l’institution pénitentiaire où se trouve le condamné sauf si le ministre de la justice en décide autrement. Il peut décider que l’exécution soit publique ou qu’elle ait lieu dans un endroit différent, selon des formalités légales particulières. Un PV sera rédigé dont une copie sera affichée durant 24 h à la porte de l’institution pénitentiaire ou au cas où l’exécution se fait en dehors de l’institution pénitentiaire à la porte de la municipalité du lieu où aura lieu l’exécution.

La dépouille du condamné sera remise à sa famille suite à leur demande, à condition qu’elle s’engage à un enterrement non public. Sinon, les autorités compétentes se chargent de son enterrement suite à la demande du Ministère public.

Les conclusions

La législation pénale marocaine maintient la peine de mort, et adopte une politique judiciaire tendant à restreindre et à limiter la condamnation et l’exécution de cette peine. De même, la grâce royale joue un rôle important dans le rééquilibrage de la politique punitive ce qui permet de déduire une évolution vers de peine de mort à travers la réduction progressive des peines prononcées et de l’arrêt des exécutions, et ce alors que la peine de mort suscite des questionnements au vu du contexte international actuel de recrudescence des crimes terroristes et du crime organisé.

Si la situation actuelle ne favorise pas l’abolition légale de cette peine, par contre celle-ci sera possible avec le changement des circonstances et l’évolution progressive de l’opinion publique, tout en insistant sur le fait que le thème de la peine capitale doit être débattue à la lumière des valeurs, du vécu et des spécificités de chaque société.

Cette position examinée par la législation nationale ne nie pas l’existence d’une forte volonté qui pousse à une réflexion sereine sur la peine de mort, ainsi que le montrent les indicateurs suivants :

- La non application de la peine de mort au Maroc depuis 1993 ;

- Les initiatives répétitives de grâce royale en faveur des condamnés à la peine de mort ;

- Le nombre de condamnés à mort ne dépasse pas 125 ;

- Une certaine méditation judiciaire dans les prononcés de jugement de cette peine ;

- La peine de mort est au cœur des préoccupations intellectuelles des acteurs de la politique pénale.

En conclusion, il convient de rappeler que tous sont désormais convaincus de la nécessité de revoir la hiérarchie ainsi que la classification des crimes, délits et peine de manière à ce qu’ils s’adaptent à la réalité pénale actuelle et de façon à ce que la peine soit productive. Ceci implique une révision de la réalité de la peine de mort pas forcément vers son abrogation mais en prenant en considération toutes les orientations intellectuelles et celles des droits de l’Homme en ayant comme but l’intérêt suprême du pays.

Par M. Mohamed Benalilou : Juge, Chef de division des affaires pénales spéciales au Ministère de la justice

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