La déclaration des Nations Unies sur l’éducation et la formation aux droits de l’homme: processus d’élaboration et perspectives d’avenir
L’importance de l’éducation des droits de l’Homme en tant que mécanisme essentiel visant à garantir la mise en œuvre des droits pour tous et prévenir la violation de ces droits dans de nombreuses conventions, résolutions et déclarations des droits de l’Homme a été mise en exergue depuis la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1945, en particulier dans son article 26, qui stipule que «l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix ». Des objectifs qui ont été réitérés par la suite dans d’autres conventions internationales publiées ultérieurement.
La déclaration de Vienne, adoptée par la conférence mondiale sur les droits de l’Homme de 1993 (paragraphes de 78 à 82), a réinscrit cette question sur l’agenda international en considérant que « l'éducation, la formation et l'information en la matière sont indispensables à l'instauration et à la promotion de relations intercommunautaires stables et harmonieuses, ainsi qu'à la promotion de la compréhension mutuelle, de la tolérance et de la paix » invitant « tous les Etats et institutions à inscrire les droits de l'homme, le droit humanitaire, la démocratie et la primauté du droit aux programmes de tous les établissements d'enseignement, de type classique et autres » et leur recommandant de mettre en place «des programmes et des stratégies » dans ce domaine.
Ces recommandations ont été à la base de la proclamation de la décennie 1994-2005 en tant que décennie des Nations Unies pour l’éducation aux droits de l’Homme sous la houlette du Haut Commissariat aux droits de l’Homme. Elle a été suivie par l’adoption du "Programme mondial en faveur de l’éducation aux droits de l’Homme" mis en œuvre en deux étapes : une première étape au cours de laquelle il a été décidé de ce concentrer sur l’enseignement scolaire (2010-2014) et l’étape actuelle (2010-2014) qui ambitionne d’ériger l’enseignement supérieur en tant que moyen de promotion de la culture des droits de l’Homme en particulier dans les rangs des enseignants et du corps professionnel chargé de l’application de la loi.
Concrètement, le projet de la Déclaration des Nations Unies sur l’éducation et la formation aux droits de l’homme a été lancé sur une initiative commune du Maroc et de la Suisse, avec le soutien d’autres pays, connus plus tard sous le nom de «pôle de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme" visant à soumettre une proposition du Conseil des Droits de l’Homme sur l’élaboration d’une Déclaration Universelle sur l’Education aux droits de l’Homme. Le Conseil a répondu positivement à cette demande en vertu de la décision n°6/10 du 28 septembre 2007 et a chargé la commission consultative auprès de lui, qui est une commission d’experts, d’élaborer une première esquisse du projet sur la base de larges consultations, et de présenter un rapport à ce sujet à la session du Conseil de 2009.
La commission consultative a constitué une équipe de rédaction présidée par Mme Halima Ouarzazi, membre du CCDH et où M.Emanuel Decaux était rapporteur, et a organisé de larges consultations ayant concerné les gouvernements, les Institutions Nationales des droits de l’Homme et les ONGs. De la même manière que le Maroc a accueilli à Marrakech durant l’été 2008 une importante conférence dans le cadre de ce processus qui se poursuit encore.
Après être passée par plusieurs étapes, la commission de rédaction a élaboré le premier draft de ce projet et l’a officiellement présenté au Conseil des droits de l’Homme dans sa session de mars 2010. Suite à cela, le Conseil a adopté la résolution 15/13 en vertu de laquelle il a chargé un groupe de pays composant «le pôle de l’éducation et de la formation aux droits de l’Homme», à mener les négociations nécessaires avec les gouvernements afin de se mettre d’accord sur un texte consensuel acceptable par toutes les parties. Plusieurs rencontres ont été tenues par ce groupe dont la dernière a eu lieu du 10 au 13 janvier 2011 à l’issue de laquelle il est parvenu à une formule qui devrait être présentée et examinée par le Conseil des droits de l’Homme en septembre 2011 pour adoption définitive de ce projet sous l’appellation de «la déclaration des Nations Unies pour l’éducation et la formation aux droits de l’Homme».
Le CCDH a veillé à s’engager dans ce processus depuis son lancement, en assurant la coordination de la contribution des Institutions nationales des droits de l’Homme en tant que partie prenante au projet. Partant de ce rôle, le CCDH a suivi les différentes étapes de ce processus et a contribué, à côté d’autres acteurs, à travers plusieurs interventions et réunions, et à travers la mobilisation des différents membres du CIC, à faire de cette déclaration un instrument de réflexion à portée opérationnelle afin qu’elle ait une réelle valeur ajoutée et qu’elle puisse constituer un levier pour la promotion de la culture des droits de l’Homme.
Le projet de déclaration insiste sur le fait que l’éducation et la formation aux droits de l’homme doivent être ouvertes et accessibles à tous et doivent prendre en compte les difficultés et les obstacles particuliers que rencontrent les personnes en situation vulnérable et défavorisée et certains groupes, tels que les personnes handicapées, ainsi que leurs besoins et leurs attentes afin de contribuer à l’élimination des causes d’exclusion ou de marginalisation. De même, le projet de déclaration met l’accent sur la nécessité que la formation et l’éducation aux droits de l’Homme soient fondées sur les valeurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme et sur les conventions et instruments y afférents, sur les principes de l’égalité, de la dignité humaine, de l’inclusion et de la non-discrimination, en particulier l’égalité entre les filles et les garçons et l’égalité entre les femmes et les hommes.
Selon le projet de la déclaration, les objectifs de l’éducation et de la formation en matière des droits de l’Homme ont plusieurs objectifs dont notamment:
- Faire connaître, comprendre et accepter les normes et principes universels relatifs aux droits de l’homme, ainsi que les garanties en matière de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux niveaux international, régional et national
- Edifier et promouvoir la promotion d’une culture universelle des droits de l’homme qui va permettre à tout individu de connaître ses droits et ses responsabilités.
- Mettre en œuvre les droits de l’Homme et promouvoir la tolérance, la non-discrimination et l’égalité;
- Assurer l’égalité des chances à travers l’accès de tous à une éducation et à une formation aux droits de l’homme de qualité, sans discrimination aucune;
- Contribuer à la prévention des violations des droits de l’homme et à la lutte contre toute forme de discrimination, de racisme, de stéréotype et d’incitation à la haine, et contre les attitudes et les préjugés néfastes qui les sous-tendent, ainsi qu’à leur élimination.